Ma maman, qui a eu quinze enfants, dont treize ont vécu, me dit : « tu sais, Michel, ce n’est pas avec de l’argent qu’on apprend, mais avec sa tête que l’on apprend à produire pour faire de l’argent ». Je crois que tout était dit.
Il est vrai qu’à la maison, chez nous, il fallait toujours compter pour pouvoir nourrir et entretenir la famille.
Quand la guerre arriva en 1939, il a fallu que tous les enfants travaillent, pour pouvoir manger. On avait un grand jardin que l’on cultivait, un grand poulailler où l’on élevait poules, dindes, canards, oies et aussi les lapins, ce qui nous permettait, le dimanche, de manger une volaille. Nous avions sept vaches et comme les grands étaient déjà partis au séminaire, il a bien fallu quelqu’un pour traire les vaches : j’avais huit ans quand cela a commencé. Nous avions des chevaux, mais ils furent réquisitionnés par les Allemands.
Tout ceci nous a permis de survivre en pleine santé. Notre vie n’a pas connu les vacances et pourtant la mer était à peine à quinze kilomètres, mais nous n’avions ni vélo, ni voiture. Toutefois, nous avons appris à travailler. Ce fut peut-être notre plus grand défaut car nos enfants ne peuvent pas comprendre pourquoi on travaille. Il ne faut pas leur en vouloir, la vie a changé, l’économie a changé.
Aujourd’hui, on dépense avant d‘avoir gagné et on crée la dette, y compris dans les ménages avec le système de crédits, parfois abusifs. Mais on a voulu donner à nos enfants plus que nous n’avions eu : le confort, les voitures, la bonne vie, en sorte.
Oui, c’est avec la tête qu’on apprend à produire pour faire un peu d’argent. Mais c’est aussi avec sa tête que l’on a forgé le bon sens, l’évidence. Je n’aimais pas l’école mais on peut se poser la question : pourquoi ? C’était aussi la double journée. A six heures du matin, on se levait pour traire les vaches et quand on revenait de l’école, le soir, on retrayait les vaches. Pendant les prétendues vacances d’été, on cultivait le jardin et on allait même aider les voisins.
Quand on a obtenu quelques diplômes, la totalité de mes frères et sœurs et moi-même, nous avons enseigné, parfois à des jeunes plus âgés que nous.
Non, ce n’est pas avec de l’argent qu’on réalise de grandes choses, mais avec sa tête, pour le constat, pour le bon sens, par la nature.
Pour réaliser tout cela, il faut une bonne santé, il faut savoir se l’appliquer à soi-même. La littérature m’a souvent manqué, tout autant que l’apprentissage des langues étrangères, c’était un handicap. J’espère que nos enfants, les enfants de tous les Français, feront le nécessaire pour apprendre les langues étrangères si utiles pour leur avenir.
Toute cette formation nous a tout de même permis d’être ce que nous sommes et nous permet aujourd’hui de dire ce qu’il faut faire et ne pas faire. On n’est pas toujours suivi mais on a appris que le bon sens fini toujours par triompher. On a appris aussi que c’est par le travail qu’on arrive à faire quelque chose et, dans notre famille, on a pris l’habitude du risque. Rien ne pourra se faire sans prendre de risque y compris pour le gouvernement. Mais, est-ce seulement une idée ? Peut-être